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12/10/2023

300 euthanasies injustifiées par jour dans les refuges et fourrières de France

Dans notre précédente newsletter, nous avons évoqué le chiffre de 300 euthanasies injustifiées réalisées par les refuges et fourrières de France. Il s’agit de 300 euthanasies PAR JOUR, soit 100 00 euthanasies par an. Sachant qu’on estime à 300 000 le nombre d’abandons chaque année, on peut en déduire qu’un abandon sur trois se solde par une euthanasie.

Nous avons souhaité partager avec vous un extrait de notre argumentaire remis au député Aymeric Caron, la semaine dernière, lors d’une audition à laquelle nous étions convié à l’Assemblée nationale, sur les euthanasies injustifiées d’animaux.

Tout d’abord, voici quelques chiffres effrayants recensés par une Instruction technique DGAL / SDSPA / 2017-638 du Bureau de la protection animale du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (2017) :

  • Plus de 8300 chats euthanasiés en fourrière
  • Plus de 1600 chiens euthanasiés en fourrière
  • Plus de 1000 chats euthanasiés en refuge
  • Plus de 1900 chiens euthanasiés en refuge

En pourcentages :

  • 7% des chiens qui entrent en fourrière euthanasiés
  • 6% des chiens de refuges euthanasiés
  • 36% des chats qui entrent en fourrière euthanasiés
  • 10% des chats de refuges euthanasiés

Cette enquête a été réalisée auprès de 82 fourrières et 86 refuges de France métropolitaine en 2016, alors qu’il existe plus de 700 fourrières et 700 refuges. Aucune structure ne centralise le chiffre total des euthanasies pratiquées sur l’ensemble du territoire français. Ce que nous savons, de source sûre, c’est qu’en 2016, sur seulement 11% des refuges et fourrières de France métropolitaine, plus de 10 000 chats et plus de 3 500 chiens ont été euthanasiés. Le chiffre total doit donc être au moins 7 fois supérieur. Cela donnerait une estimation égale à 70 00 chats et 24 500 chiens euthanasiés chaque année dans les refuges et fourrières de France, soit plus de 270 euthanasies par jour.

Ces chiffres, très probablement sous-estimés, n’incluent pas le nombre d’euthanasies non médicalement justifiées pratiquées par des vétérinaires, pour lesquelles il n’existe aucune statistique officielle. On parle de près de 40 000 « euthanasies de complaisance » chez les vétérinaires chaque année d’après une étude menée par Claire Borrou-Mens, référente de l’Ordre vétérinaire du Grand-Est.

Faut-il « interdire » les euthanasies non médicalement justifiées ?

Tout le monde est d’accord pour dire qu’euthanasier un animal qui ne souffre pas, c’est éthiquement « mal ». Tout le monde préférerait éviter cela.

Le problème est le manque de solutions :

– Quand un propriétaire demande à son vétérinaire d’euthanasier son animal parce que soit celui-ci l’a mordu, soit parce qu’il n’a plus les moyens de payer ses frais, le vétérinaire est en droit d’accepter ou de refuser. Aucune loi ne lui interdit de refuser. Il décide selon son libre-arbitre, en son âme et conscience. Le problème est que s’il refuse, quelle autre solution a-t-il à proposer à un propriétaire qui est dans une impasse ? La réalité est que les alternatives sont quasiment inexistantes.

– Lorsqu’une association ne peut plus garder un animal dont elle a la responsabilité, quel que soit le motif, elle fait face à une problématique de place : un chien inadoptable, agressif, au refuge depuis longtemps, prend la place d’un autre chien qui, lui, aurait peut-être plus de chances de trouver un foyer… D’une certaine manière, on peut estimer que tuer un chien « compliqué », c’est en sauver un autre…

Zoom sur la situation dans les refuges et fourrières

Si on prend une photographie des annonces adoption, on s’aperçoit que les chiens les plus présents sont : croisés Bergers, croisés American Staff (« dogues »), Malinois.

Sur 4444 annonces SPA dont 1939 concernent des chiens : 317 concernent des « croisés Berger », 220 Malinois, 156 « Dogues », 152 types « Labrador », 89 Amercican Staffordshire terriers, 67 bergers allemands = 1001 chiens soit 51% des annonces chiens. Seulement Six races ou types morphologiques représentent la moitié des chiens de refuge.

A l’association AVA, 80% des demandes de placement concernant des types « Staff » (Pitbull), Cane Corso, Malinois, Bergers allemands.

Il y a donc un problème de sur-représentation de certains chiens dans les refuges. Les chiens abandonnés ont de plus en plus fréquemment des profils similaires : réactivité extrême et/ou agressivité dans certains contextes, incompatibilité avec les autres chiens, les chats, les enfants, engendrant des critères de sélection trop restrictifs pour les futurs foyers adoptifs (ex : chien ayant besoin de vivre à la campagne avec une personne seule)

Aujourd’hui, les chiens abandonnés ne sont plus les « caniches de mamies » abandonnés sur le bord de la route au départ des vacances, mais des chiens puissants, potentiellement dangereux, rarement sociables avec leurs congénères, pouvant être difficiles à détenir pour des personnes non connaissantes. Ce sont ces profils qui saturent les refuges et sont donc menacés d’euthanasie. Dans la réalité, les refuges ont de moins en moins de chiens « facilement » adoptables, correspondant à une majorité de foyers (ex : famille avec enfants, vivant en appartement). Pour pouvoir continuer à proposer des animaux à adopter et ne pas générer d’effet déceptif chez les candidats à l’adoption, certaines associations ont décidé d’importer des animaux des DOM-TOM et/ou de l’étranger… Proposer « d’adorables » petits chiens roumains à l’adoption plutôt que des Pitbull mordeurs rend ainsi l’activité du refuge beaucoup plus attrayante. Mais comment peut-on dire que « les refuges débordent » lorsque certains importent des animaux de l’étranger au lieu de proposer ceux qui attendent en fourrière ? Comment accepter que les refuges euthanasient des animaux s’ils en importent ?

Par ailleurs, nous constatons que la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, rendant contraignante la détention d’un chien de catégorie 1 ou 2, est un échec. Alors que cette loi devrait être une mesure dissuasive pour les potentiels acquéreurs de chiens de catégorie, limitant ainsi leur présence sur notre territoire, elle a généré l’effet inverse. C’est la raison pour laquelle les refuges débordent de chiens de type « Pitbull », même décatégorisés. Selon le Dr Bedossa, « la typologie de chiens la plus populaire auprès des plus jeunes, des habitants des quartiers mais autant de beaucoup de territoires des zones rurales, sont des chiens de type croisés Bull ou de type Malinois. Ils sont très certainement plusieurs centaines de milliers, voire très probablement plus d’un million actuellement en France. »

Lutter contre les euthanasies de convenance réalisées à la demande des refuges et fourrières, c’est d’abord lutter contre les abandons. Or, la majorité des races de chiens les plus produites en France selon le classement de la Société Centrale Canine sont aussi les chiens (types morphologiques) les plus abandonnés. Pour lutter contre les abandons de ces chiens, il faut donc agir à la source : agir pour qu’il y en ait moins dans les foyers, agir pour que ces races soient moins produites, aussi bien dans les élevages que chez les particuliers qui s’adonnent à la reproduction.

En ce qui concerne les chats : deux fois plus nombreux que les chiens dans les foyers français, ils représenteraient près de 10 000 euthanasies par an dans les refuges et fourrières de l’Hexagone, soit presque trois fois plus que les chiens. Ces euthanasies massives sont à la fois liées aux abandons de chats de particuliers (causes diverses : comportements « gênants » dont l’agressivité et la malpropreté, décès du propriétaire, problèmes humains…) et à la fois à l’errance féline qui se solde trop souvent encore par la mise à mort de chatons et de chats adultes errants.

Derrière la question des euthanasies de convenance se cachent d’autres problématiques :

  • Le manque de structures « sanctuaires » comme AVA pour recueillir les animaux devenus « indésirables »
  • Le manque d’adaptation des refuges pour héberger convenablement et durablement des animaux dont le séjour est de plus en plus long (les structures types « boxes » ne sont pas adaptés aux longs séjours)
  • Le manque criant de personnel formé à l’éducation et au comportement canin, ce qui génère au sein des structures une incapacité à prendre en charge des chiens dangereux ou ayant des besoins particuliers.
  • Le manque d’accompagnement des personnels associatifs qui font face à une fatigue compassionnelle, partagés entre le refus « de ne pas tuer », mais en même temps le besoin de « faire de la place » pour d’autres.
  • Le manque de solutions à proposer aux vétérinaires, eux aussi souffrant de fatigue compassionnelle lorsqu’ils font face à la fois à la détresse d’un propriétaire et à celle d’un animal.
  • La problématique « marketing » des associations : que deviennent-elles si elles n’ont plus d’animaux « faciles » à faire adopter ?

Résumé des solutions proposées au député Aymeric Caron :

1) Réduire la production des races de chiens sur-représentées

2) Mener des actions de sensibilisation aux besoins spécifiques des espèces et des races de chiens puissants. A nos yeux, la nécessité d’un permis de détention pourrait s’envisager pour tous les chiens de ce type.

3) Créer des sanctuaires municipaux / départementaux sur le modèle d’AVA

4) Favoriser les transferts d’animaux entre associations

5) Créer une plateforme nationale centralisant l’ensemble des annonces adoption de toutes les associations françaises pour donner plus de visibilité aux animaux des « petites » associations qui ne bénéficient pas d’une notoriété suffisante, ou bien s’appuyer sur les plateformes déjà existantes en leur apportant des moyens financiers, numériques et logistiques supplémentaires, telles que Rescue, Paaw, Pet Adoption, Wamiz…)

6) Créer une plateforme nationale permettant aux particuliers de déposer leurs annonces pour trouver un nouveau foyer à leur animal (de particulier à particulier), sans passer par les refuges en s’appuyant sur l’expertise d’entrepreneurs de la tech sachant développer ce type de plateformes.

7) Créer un observatoire géré de manière paritaire par les associations de protection animale (dont celles absolument opposées aux euthanasies de convenance), par la Société Centrale Canine et le LOOF et par le SNVEL (étant co-gestionnaires du fichier I-CAD) ainsi que des représentants des bureaux du ministère de l’Agriculture et des ISPV (Inspecteurs de Santé Publique Vétérinaire), permettant de recenser précisément le nombre d’euthanasies non médicalement justifiées (et leur cause) pratiquées dans chaque association ainsi que par les vétérinaires.

8) Subventionner les refuges qui font l’effort d’adapter leurs structures à l’hébergement des animaux pour de longues durées, et celles qui acceptent d’octroyer un pourcentage de leur capacité à des chiens « difficiles ».

9) Pour les particuliers : mettre en place un système de sécurité sociale obligatoire pour les propriétaires d’animaux pour contribuer aux frais vétérinaires.

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