Dans ce vaste monde, il se murmure qu’à chaque battement de seconde, un chien tire sa révérence. Un simple chiffre, me direz-vous, noyé dans les statistiques de l’indifférence ?
Hélas, cette semaine, Hans, mon fidèle ami, tu viens de laisser ton empreinte dans le livre des registres de l’ICAD.
Depuis lors, mon cœur saigne en silence, noyé dans un océan de souvenirs qui se muent en larmes, en sanglots parfois … Dans chaque coin de notre maison, il me semble encore entendre ton souffle unique, sentir ta présence chaude qui se glissait près de moi, et percevoir ton regard scrutateur, capable de disséquer en douceur les méandres de mon âme. Le temps, ce sculpteur des corps, n’a jamais réussi à ternir l’éclat de ton regard, même jusqu’à ton dernier souffle.
Les nuits n’ont plus la même saveur sans toi. Avant de t’endormir, tu remuais doucement ta queue, me gratifiant de ce regard tendre qui semblait me susurrer : “Encore une belle journée de plus avec toi, je suis comblé.” Je répondais d’un doux tapotement sur ta tête, un écho silencieux de notre complicité.
J’ai perdu une part de moi-même, nous étions deux âmes fusionnelles…
Pourtant, notre histoire avait débuté sur des notes discordantes. Doté d’un tempérament affirmé, d’une bravoure inébranlable, et d’une allure digne d’un champion, tu ne laissais personne indifférent. Dans tes premiers mois, j’avais fait appel à un éducateur, mais rapidement, j’ai abandonné ses méthodes coercitives qui menaçaient de briser notre lien. Tu m’as inspiré à te comprendre mieux, et par extension, tes congénères. C’est ainsi que ma passion pour l’éducation canine a pris racine, et que peu à peu j’ai réalisé la différence la séparant de l’obéissance.
Comme l’a si bien dit Nicolas Cornier, éducateur-enseignant que j’ai eu la chance de connaître : “Offrir à un chien la chance d’acquérir de l’autonomie, c’est lui offrir l’opportunité d’apprendre tout en préservant sa spontanéité.” Avec toi, même si j’ai appris à anticiper, à être aux aguets, l’imprévu était toujours au rendez-vous. C’est clair, qu’avec toi, la vie était un festin d’épices.
Je me rappelle de cette journée mémorable lors d’un concours d’obéissance. Au lieu de suivre les ordres et de rejoindre le carré délimité par quatre cônes, tu as choisi de t’élancer vers la juge, qui n’avait pas daigné te saluer. La vision d’un colosse de 40 kilos se dirigeant vers elle a provoqué une réaction de surprise chez la juge, la faisant basculer en arrière. Pendant ce moment, tu l’as inondée de léchouilles, comme tu savais si bien le faire, et j’ai assisté à une scène inoubliable. Je préfère t’épargner les détails des commentaires que la juge a formulés à mon sujet. C’est ainsi que tu m’as permis d’avoir l’excuse facile.
Mais tu n’étais pas non plus le chien d’un seul humain, j’étais certes ton meilleur pote, mais en vrai boxer, tu considérais tous les êtres humains comme sacrés. Tu es probablement l’un des rares boxers à être devenu « chien visiteur ». Convaincre la vétérinaire comportementaliste pour t’agréer n’a pas été une tâche facile, compte tenu de ta force et de ton exubérance. Cependant, à la Maison d’Accueil Spécialisée où nous nous rendions, tu étais chéri par tous, et ta photo trônait en une place d’honneur. Car il n’y avait pas de limite à la démonstration de ton Amour, avec toi, c’était tout ou rien.
Avec le temps, tu as gagné en maturité, et un simple échange de regards suffisait pour que nous nous comprenions et nous respections mutuellement. Tu avais une incroyable capacité à détecter ce qui me contrariait, cherchant alors mon approbation. C’est grâce à toi que j’ai découvert que la communication la plus sincère avec les chiens se passait au-delà des mots. D’ailleurs, au sein de notre famille, tu portes le surnom affectueux de “Bernardo”, car tu ne prononçais jamais un aboiement. Tout passait à travers ta posture et ton regard.
Grâce à toi, le « réservé » que je suis a pu réaliser d’innombrables rencontres. Tu étais le catalyseur de toutes les relations brisant les barrières de manière naturelle.
Mon cœur saigne… Tu es parti dans mes bras, chez toi, chez nous, sans un gémissement, alors que la douleur était probablement insupportable. Ton départ a été une démonstration de dignité inégalable !
Et comme dit mon fils, “Tu avais une humanité plus profonde que la plupart des êtres humains.”
Désormais, je suis convaincu qu’une nouvelle étoile brille avec éclat dans le ciel et je n’aurai de cesse de la retrouver.
Hans, mon tendre Ami, tu restes à jamais gravé dans mon cœur, et dans celui de tous ceux qui ont eu la chance de croiser ta route.