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10/09/2024

Le consentement dans le processus d’adoption

Tous les animaux sont-ils d’accord pour être adoptés ? 


Nous vous proposons de mener avec nous une réflexion sur le consentement chez les animaux de compagnie dans le processus d’adoption. Un sujet tabou, même assez polémique, qui est rarement abordé. Pourtant, si tout le monde était davantage sensibilisé à cette notion de « consentement », alors peut-être que de nombreuses situations dramatiques pourraient être évités. 

Lors du prochain congrès Pet Revolution auquel nous participerons, notre directrice générale, Elisa Gorins, proposera une conférence sur cette thématique. En voici un aperçu. 

Le consentement, qu’est-ce que c’est ? 

En France, toutes les associations qui recueillent des chiens et des chats militent ardemment contre l’abandon et en faveur l’adoption. Mais est-ce que l’animal, lui, consent à être adopté ? On part du principe que oui, l’animal veut être adopté. On part du principe que la place d’un animal de compagnie est dans un foyer. On part du principe que le chien ou le chat doit avoir une famille. Mais est-ce vrai ? 

Il faut déjà penser à l’histoire évolutive du chien et du chat et à l’histoire de la domestication. 

  • Le chien : il y a une sorte de contrat tacite entre l’homme et son « meilleur ami » : l’homme subvient aux besoins de son chien, et en échange, le chien exerce une fonction qui a une utilité pour l’humain, comme la chasse, la garde, ou simplement la compagnie, ce qui est le cas aujourd’hui de la plupart des chiens dans les pays occidentaux.
    Néanmoins, on oublie trop souvent que l’écrasante majorité des chiens dans le monde sont libres et errants. Ils ne sont pas des chiens de compagnie. De notre point de vue d’occidentaux, leur vie est dure, « misérable », ils doivent lutter pour se nourrir, faire face aux intempéries, à tous les dangers, ils sont malades etc… De notre point de vue d’occidentaux, c’est une image inacceptable parce qu’on part du principe que ces chiens-là seraient mieux dans un foyer : nourris, aimés, soignés etc.
  • Le chat : c’est un peu la même histoire, si ce n’est que le chat n’a pas été domestiqué pour répondre à une fonction. Néanmoins, on attend du chat qu’il apporte une compagnie. On pense souvent aussi que le chat, considéré plus indépendant que le chien, a moins de besoins, qu’il est moins contraignant, qu’il n’y a pas à le sortir etc.
    Mais là encore, oublie trop souvent que le chat est un animal multiple et c’est bien ce qui est fascinant chez lui : il est aussi bien « chat de compagnie » que chat sauvage. Quand on adopte un chat, notamment un chaton, il y a une part de « hasard » sur l’individu qu’il va devenir : ce qu’il sera dépend de sa génétique, de sa personnalité en tant qu’individu, de son environnement, de ses expériences dans ses premiers mois de vie, et du lien qu’il aura avec les humains. C’est un peu une « pochette surprise » : on ne peut jamais être sûr de ce qu’il sera. 

Comprendre ces aspects-là est fondamental pour aborder la question du consentement. Car le consentement, qu’est-ce que c’est ? C’est l’« Action de donner son accord à une action, à un projet ; acquiescement, approbation, assentiment » d’après le Larousse. 

Mais comment pourrait-on savoir si un animal consent à quelque chose, et en l’occurrence à son adoption, alors qu’il ne parle pas, qu’il ne dit pas oui, qu’il ne dit pas non ? Évidemment, un chien ou un chat ne pourra jamais vous dire « ok, je veux bien que tu m’adoptes », ou « non hors de question d’aller chez toi ». 

Bien sûr, il y a le moment de la rencontre, qui est important, mais qui n’est pour autant un moyen d’obtenir un consentement de la part du chien ou du chat. Le moment de la rencontre va surtout permettre à l’humain de faire connaissance avec l’animal, et d’affirmer ou non son choix de l’adopter. Mais l’animal, lui, ne sait rien de vos intentions. Il ne peut pas savoir que parce que Mme ou M. X vient le voir dans un refuge, sa vie va potentiellement prendre un nouveau tournant. Ça, c’est seulement une projection humaine dont l’animal est incapable. Ce n’est donc pas parce qu’un chien vous saute dans les bras au premier regard qu’il « consent » à être adopté ou qu’il vous a choisi, comme on l’entend parfois. A contrario, ce n’est pas parce qu’un chat se cache et n’interagit pas avec vous qu’il refuse que vous l’adoptiez. Attendre d’un animal qu’il « consente » à son adoption lors de la rencontre est donc tout simplement impossible. 

Mais alors, comment peut-on savoir si l’animal consent à son adoption ? 

La personne responsable est autant la personne qui adopte que celle qui fait adopter l’animal. C’est de cette rencontre entre un humain qui cherche à placer un animal, et un humain qui cherche à adopter un animal, que va naître la question du consentement de l’animal. 

  • Le candidat à l’adoption, d’abord, doit avoir conscience des besoins de l’animal. Il est le mieux placé pour savoir si, oui ou non, il peut y répondre. Il est le mieux placé pour connaître l’environnement qu’il compte offrir à l’animal, pour connaître son emploi du temps et le budget-temps qu’il aura à lui consacrer. Seulement, si l’adoptant est le mieux placé pour répondre à ces questions, il est pourtant parasité par de nombreux biais : la pitié qu’il peut ressentir pour l’animal, l’envie d’adopter pour de mauvaises raisons (cadeau, coup de cœur irréfléchi etc). A moins d’être très connaissant et très renseigné, l’adoptant ne peut généralement pas déterminer à lui seul si l’animal qu’il compte adopter y consent. Pour cela, il a besoin d’être accompagné. 
  • La personne qui cède l’animal, a donc un rôle crucial à jouer. Qu’il s’agisse d’un personnel de refuge, d’une famille d’accueil, d’un éleveur, ou d’un particulier, c’est sur elle que repose en grande partie la notion de consentement de l’animal. C’est elle qui connaît l’animal, son histoire, ses besoins, et qui va devoir déterminer la compatibilité entre l’identité de l’animal et ses besoins, d’une part, et d’autre part, le cadre de vie qui pourrait lui être offert par des candidats à l’adoption. Savoir évaluer cette compatibilité demande beaucoup d’expertise et d’objectivité ; cette compatibilité est un aspect crucial car c’est ce qui va permettre de se rapprocher le plus possible de la notion de consentement. 

Le meilleur moyen de s’assurer que l’animal est susceptible de consentir à une adoption est d’être en mesure d’évaluer cette compatibilité. Pour cela, l’échange entre celui qui fait adopter l’animal et celui qui va l’adopter, est fondamental. 

La pression du chiffre

On parle communément de 100 000 abandons par an en France. C’est un chiffre « marketing », un beau gros chiffre rond, qui permet de dire que la France est championne d’Europe de l’abandon. En réalité, on n’en sait rien du tout car il n’y a pas de statistiques officielles. 

Le chiffre de l’adoption, on ne le connaît pas davantage. 

Certaines associations cèdent à la pression du chiffre : on doit faire adopter le plus vite possible pour libérer la place pour un autre animal. On doit aller vite, pour ne pas bloquer un box. Par conséquent, on ne prend pas le temps d’évaluer la compatibilité, on ne prend pas le temps de penser au consentement de l’animal… 

Certaines associations ont également une pression financière : l’adoption rapporte de l’argent. Donc plus on fait adopter d’animaux, plus l’association a d’argent. 

Ces formes de pression sont totalement contraires à la notion de consentement chez l’animal. Elles sont parfois contreproductives et dangereuses car elles peuvent engendrer de mauvaises adoptions, des retours des animaux adoptés, des accidents (morsures), et parfois même dans le pire des cas, une euthanasie. 

Cela soulève la question des chiens dits « difficiles », mais aussi des chats dits « sauvages », en bref c’est la question des animaux jugés inadoptables : nous avons de nombreux cas de ce type au refuge AVA, c’est d’ailleurs ce qui fait notre particularité. 

Nous avons par exemple le cas de Loulou, qui hélas, vient d’être emporté par le cancer. Il avait été été adopté 7 fois et abandonné 7 fois avant d’arriver dans notre sanctuaire, en raison de protection de ressources. Au refuge, il n’a jamais présenté la moindre agressivité. A travers toutes ces tentatives d’adoption, on a placé Loulou dans des situations anxiogènes pour lui et dangereuses pour les humains. Y consentait-il vraiment ? Ne se sentait-il pas mieux au refuge qu’au sein de foyers où il était perpétuellement contrarié ?  

L’agressivité d’un animal dans son foyer est une manifestation de non consentement. Ce n’est pas qu’une question d’éducation (et souvent, les éducateurs canins n’y peuvent rien), mais l’expression d’un refus de quelque chose qu’il n’accepte pas ou qu’il n’accepte plus. C’est un trait d’un tempérament, et non un manque d’éducation. 

L’alternative est de pouvoir l’héberger durablement dans un environnement sécurisé où les situations de dangerosité potentielle sont limitées. Ainsi, on ne génère chez lui aucun stress, aucune contrariété, aucune frustration, et donc aucune agression. C’est ce que nous proposons au refuge AVA. 

Attention à l’anthropomorphisme et à l’excès d’empathie 

Parlons également des associations qui, pensant bien faire, engendrent des situations très problématiques : c’est notamment le cas des associations qui importent des animaux de l’étranger et les font adopter immédiatement, sur photo, sans même le moindre passage de l’animal en famille d’accueil. 

Cela peut avoir des conséquences terribles, car ce sont souvent des animaux qui étaient libres et errants, à qui on va imposer une vie d’animal de compagnie dans un pays occidental, ce pour quoi ils ne sont pas faits. Parfois, heureusement, tout se passe très bien. Mais parfois, les conséquences sont dramatiques : l’animal ne s’habitue pas à la captivité, reste très craintif, devient agressif, et ne répond pas à ce qu’on attend de lui en tant que chien de compagnie (c’est typiquement le cas de nombreux chiens roumains mais pas seulement). Là, nous sommes dans une situation de non consentement de l’animal. On l’a retiré de la rue, souvent en pensant bien faire, on l’a fait voyager, et maintenant on lui impose un mode de vie qui ne lui correspond pas. Évidemment, trop souvent quand on s’en rend compte, c’est déjà trop tard : l’animal n’est pas bien, le foyer n’est pas bien, et l’association, elle, répond aux abonnés absents. 

Là où la démarche était supposée bienveillante, elle devient finalement catastrophique pour l’animal et tellement décevante pour l’adoptant. Les conséquences sont sans appel : abandon, voire euthanasie. 

Ces situations surviennent aussi ici en France avec des animaux nés libres. C’est le cas des chats en particulier. C’est l’exemple type du « j’ai trouvé un chat dans la rue, je vous l’amène parce que le pauvre, il est tout maigre ». C’est une situation que nous rencontrons régulièrement à AVA. Pourtant, un chat de la rue n’est pas forcément un chat malheureux. Un chat peut vivre dans la rue. Sa vie est plus dure, sa vie est plus courte, mais c’est sa vie. L’extraire de son environnement, aussi rude soit-il, pour lui imposer une vie en captivité, enfermé dans un appartement, avec une promiscuité humaine dont il ne veut peut-être pas, c’est prendre le risque de le mettre dans un état de mal-être dramatique. Bien sûr, tout peut bien se passer. Mais pas toujours, loin de là. Certains chats libres n’acceptent jamais à la vie en captivité, même lorsqu’ils y ont été habitués depuis le plus jeune âge. 

Il ne s’agit pas ici de faire des généralités, mais de soulever des réalités concrètes que nous, à l’association AVA, rencontrons tous les jours et qui pourraient être évitées si les adoptants étaient davantage sensibilisés à cette notion de consentement. 

Quelques exemples : 

  • Archie, un chien adopté dans la rue au Mexique, parti vivre aux Etats-Unis puis en France. Il est ne s’est jamais habitué à la vie de chien de compagnie. Il est devenu agressif, mordeur. Il a été placé à AVA lorsqu’un bébé est arrivé dans le foyer. Si nous le refaisions adopter, nous le remettrions sans doute dans une situation à laquelle il ne consentirait pas. 
  • Gribouille, par exemple, qui était un chaton de la rue. Elle a été agressive toute sa vie avec sa propriétaire. Lorsque celle-ci est tombée enceinte, elle a décidé qu’elle ne ferait pas prendre de risque à son futur bébé, alors elle nous a confié sa chatte Gribouille. Gribouille n’a jamais eu la moindre manifestation d’agressivité depuis qu’elle vit en liberté dans notre sanctuaire. Cette histoire, c’est celle de quasiment tous les chats que nous recueillons. Parce qu’ils avaient développé des comportements gênants dans leur foyer, et que ceux-ci disparaissent une fois qu’ils sont en liberté au refuge, nous pouvons en conclure qu’ils ne consentaient pas à vivre dans leur foyer, et ce, malgré tout l’amour qui pouvait leur être donné. 

Il est très difficile d’accepter cette idée selon laquelle on  peut aimer son animal de tout son cœur, mais que l’animal, lui, a besoin d’autre chose. Accepter cette idée, et vouloir offrir un nouvel environnement à son animal, ce n’est pas l’abandonner, c’est au contraire un geste d’amour. 

La question des saisies judiciaires est aussi intéressante : hormis les situations de cruauté, est-ce qu’on se pose vraiment la question de savoir si l’animal consent à être retiré à son propriétaire ? On évalue parfois que l’animal vit dans de mauvaises conditions donc on le retire de son lieu de vie, et là encore, c’est une démarche bienveillante. Mais retirer un animal de son foyer pour le mettre derrière les barreaux d’un box de refuge, est-ce lui rendre service ? est-ce qu’il y consent vraiment ? 

D’ailleurs, les associations qui croient sauver un animal de la maltraitance mais qui n’ont aucune solution pour lui derrière ne se posent pas la question du consentement, hélas. Mais peut-on réellement dire qu’on sauve un animal quand on n’a pas pris la peine, en amont, de chercher une solution d’hébergement compatible avec ses besoins individuels ? Quand on se retrouve avec un animal sur les bras qu’on croit avoir sauvé mais dont on ne sait pas quoi faire, ce n’est pas lui rendre service et ce n’est surtout pas se poser la question de son consentement. 

Discours d’« adoption responsable » 

Le discours actuel d’adoption responsable, c’est bien mais ce n’est pas suffisant. 

  • Il ne s’agit pas que d’avoir un discours moralisateur à l’égard de ceux qui souhaitent adopter un animal « parfait », qu’on puisse emmener partout, qui n’aboie pas, qui soit ok chiens, chats, enfants, licornes etc.
  • Il ne s’agit pas que d’avoir un discours moralisateur à l’égard de ceux qui veulent adopter un shiba inu pour faire comme les influenceurs, un berger australien parce que c’est beau et intelligent, un american staff ou malinois parce que c’est trop impressionnant… 
  • Il ne s’agit pas non plus d’avoir un discours moralisateur à l’égard de ceux qui veulent offrir ou adopter un animal comme « cadeau », etc etc. 

Ce n’est pas seulement ça, l’adoption responsable. 

Dans le cadre d’une adoption, on sous-estime 3 choses : le contexte, la personnalité de l’animal, et le lien qu’il peut avoir avec un ou plusieurs humain(s). 

Tous ceux qui sont en position de céder un animal, que ce soit éleveur, agent de refuge, animalier etc, tout le monde devrait avoir cette sensibilisation à la notion de consentement. Parce qu’il ne s’agit pas de faire du commerce avec le vivant, mais de contribuer à la construction d’un foyer dont un nouveau membre, non humain, fera partie. 

Quelques éléments importants : 

  1. La pitié est rarement bonne conseillère ; c’est bien d’avoir de l’empathie mais il faut aussi du pragmatisme. 
  2. La précipitation n’est pas bonne conseillère non plus. 
  3. La pression du chiffre non plus. 
  4. Les intérêts économiques non plus. 
  5. L’anthropomorphisme non plus. 

Tous les éléments cités ne sont pas de bons conseillers si on souhaite réaliser une adoption responsable. 

Pour conclure, ne peut parler de réelle « adoption responsable » que lorsque l’animal y consent. Et pour savoir s’il y consent ou non, la personne la plus qualifiée pour le déterminer, c’est la personne qui la cède (éleveur, personnel de refuge, particulier etc) en parfaite coordination avec ce que lui dit la personne adoptante. La démarche d’adoption responsable et consentie par l’animal ne peut donc se faire que s’il y a cession responsable. 

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