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10/01/2025

Un autre regard sur la fermeture de Marineland

Alors que le parc a fermé, 4 000 animaux sont sans solution.

La première fois que j’ai vu des orques et des dauphins, c’était à SeaWorld, en Floride, ce parc à thème américain qui propose attractions et spectacles avec des cétacés. Bien sûr, j’aurais préféré voir ces animaux en liberté. Bien sûr que cela ne fait pas plaisir de voir ces animaux dans des cuves qui, proportionnellement à leur taille et leurs besoins, seraient l’équivalent d’une baignoire pour les humains. J’avais 13 ans, et, déjà sensible aux causes animales, une moitié de moi n’était pas à l’aise. Cependant, je serais bien hypocrite de vous cacher que l’autre moitié de moi a pleuré d’émotion devant la majesté de ces espèces.

Ce n’était pas le « spectacle » de leur souffrance qui me plaisait, c’était simplement le fait de les voir, de les découvrir. Il faut se résoudre à l’évidence : sans les parcs, sans les zoos, sans les cirques, le seul moyen de voir des espèces sauvages est de voyager. Pour l’enfant amoureuse des animaux que j’étais, voir ces animaux « inaccessibles » était un rêve éveillé. C’était pourtant déjà une représentation d’une forme de dissonance cognitive, cet état de tension mentale éprouvé lorsqu’il y a un conflit entre nos pensées, nos valeurs et nos actions. Dans son ouvrage La Libération animale, le philosophe Peter Singer (pionnier de l’antispécisme), analyse divinement bien ce conflit.

Bouleversée par ces animaux, j’ai rapidement voulu en revoir. Il n’y avait pas trente-six moyens de le faire. Marineland, l’équivalent de SeaWorld en France, en était un. J’y suis allée deux fois : à 14 et 20 ans. La deuxième fois, c’était avec davantage de regard critique. Je voulais savoir si, avec mes yeux d’adulte et ma sensibilité à la protection animale, je serais davantage indignée par la captivité des cétacés. Le plaisir égoïste que j’éprouvais à la vue de ces animaux méritait-il qu’ils passent leur vie en prison ? Mon divertissement justifiait-il leur sacrifice ?

La réponse est non.

Plus tard, j’ai eu la chance de voir des dauphins en semi-liberté dans des sanctuaires dans la mer des Caraïbes. Je les ai vu avoir le choix : celui de vaquer à leurs occupations dans de relativement grands espaces clos dans la mer, ou bien d’interagir avec les humains. Imprégnés par l’homme, entraînés à divertir l’humain, ils ne pouvaient pas être complètement relâchés. Mais au moins, ils avaient le choix : être au contact de l’Homme, ou pas. Il m’a semblé qu’ils n’y étaient jamais contraints.

D’autres voyages m’ont donné l’immense privilège d’observer des mammifères marins en totale liberté. Le dernier étant en juin 2024, avec le Dr Bedossa et Tom Gignoux, étudiant vétérinaire, au nord du Pacifique. Il n’y a rien de plus beau que d’assister au spectacle de la liberté.

Plus tard, j’ai eu la chance de voir des dauphins en semi-liberté dans des sanctuaires dans la mer des Caraïbes. Je les ai vu avoir le choix : celui de vaquer à leurs occupations dans de relativement grands espaces clos dans la mer, ou bien d’interagir avec les humains. Imprégnés par l’homme, entraînés à divertir l’humain, ils ne pouvaient pas être complètement relâchés. Mais au moins, ils avaient le choix : être au contact de l’Homme, ou pas. Il m’a semblé qu’ils n’y étaient jamais contraints.

D’autres voyages m’ont donné l’immense privilège d’observer des mammifères marins en totale liberté. Le dernier étant en juin 2024, avec le Dr Bedossa et Tom Gignoux, étudiant vétérinaire, au nord du Pacifique. Il n’y a rien de plus beau que d’assister au spectacle de la liberté.

Le Dr vétérinaire Thierry Bedossa ne dirait pas le contraire ; il nage chaque année avec une centaine de dauphins sauvages, en liberté, en mer Rouge. Mais il a, lui aussi, l’expérience de la captivité des mammifères marins. Au début de sa carrière, pour apprendre à entraîner des chiens dangereux, il a voulu comprendre l’entraînement de mammifères bien plus dangereux : les orques. Étudiant vétérinaire, il a ainsi participé brièvement à l’entraînement de cétacés au parc SeaWorld.

La captivité des mammifères marins, comme de tous les animaux d’espèces sauvages, n’est aujourd’hui plus acceptable sur le plan éthique. Il serait impensable, aujourd’hui, de capturer des animaux sauvages dans leur habitat naturel pour les enfermer et les exposer à des touristes. C’est en cela que la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale, et interdisant toute détention et reproduction en captivité de ces mammifères (en dehors de sanctuaires marins ou dans le cadre de programmes scientifiques) est une bonne nouvelle.

Mais pas à n’importe quel prix. Pas au prix du grand n’importe quoi auquel nous sommes en train d’assister, impuissants.

La question de la « retraite » des animaux sauvages captifs aurait dû être anticipée bien davantage. Alors que Marineland a définitivement fermé ses portes dimanche dernier, 5 janvier, tout le monde s’interroge sur le devenir des deux orques qui y résident. C’est d’ailleurs à peine si l’on considère le sort des quelque 4 000 autres animaux de Marineland qui, comme ces cétacés, attendent une solution. 4 000. C’est énorme. Des dauphins, des requins, des manchots, des otaries, des phoques, loutres, tortues, flamants roses, poissons et coraux, dont l’avenir est suspendu au fil de décisions arbitraires…

Concernant Wikie et Keijo, les fameuses orques, rappelons qu’Agnès Pannier-Runacher, ex ministre de la Transition écologique, a interdit leur transfert au Japon contrairement à ce qui était prévu. Toutes les associations de protection animale s’en sont réjouies. Mais qui propose réellement une alternative plausible ? Quelles options ont vraiment ces orques ? D’urgence, il faut arrêter de condamner avant d’avoir des solutions concrètes.

Or, des solutions, en réalité, il n’y en a presque aucune car l’expertise est rare. Aucune solution n’est moins pire qu’une autre. La plupart d’entre elles ne font que déplacer le problème : les animaux ne seront plus captifs ni exploités en France, mais le seront ailleurs. Alors, à quoi bon ? Finalement, ma réflexion se résume ainsi : ‘tout ça pour ça ?’ Ne risque-t-on pas de faire à ces pauvres bêtes plus de mal encore que ce qu’elles ont déjà vécu ? Certaines associations évoquent la possibilité d’un transfert dans un sanctuaire au Canada, ce qui pourrait être un moindre mal, mais soumettrait toujours les animaux à un très long voyage, non sans risques.

En attendant, que vont devenir Wikie, Keijo et leurs 4 000 compagnons d’infortune ? Puisque le parc a fermé, avec quelles ressources pourra-t-il assurer leurs besoins, leur alimentation et leur relatif « bien-être » pendant une période indéterminée ? Les animaux vont-ils encore pouvoir bénéficier de la présence humaine, dont celle de leurs entraîneurs avec lesquels ils sont liés ? Pour ces mammifères nés en captivité, l’entraînement est leur seule occupation, le seul « enrichissement » de leur quotidien ; leur faire perdre cela reviendrait à les laisser mourir lentement au fond d’un bocal, sans la moindre stimulation. Est-ce l’avenir qui les attend ?

Personnellement, je crains que Wikie, Keijo et des milliers d’autres animaux soient les dernières victimes d’une époque où il était acceptable et accepté de prendre du plaisir à « admirer » la captivité d’autres êtres vivants. C’est bientôt fini, et c’est un progrès indéniable, mais en attendant, leur calvaire n’est pas terminé. J’ai bien peur, hélas, que le sacrifice de leur vie soit inévitable pour qu’après elles, plus jamais aucun autre animal ne connaisse le même sort.

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